Une brise faisait son apparition caressant ainsi avec délicatesse la cime des arbres. Celle-ci, simple vagabonde qu'elle était s'infiltra alors dans les vêtements froissés d'une jeune femme empiétant sur une plaine généreuse. Elle se frotta d'abord les yeux dans un réflexe face aux rayons du soleil qui lui ôtaient toute tranquillité. Elle balaya rapidement les fines herbes qui avaient osé prendre position sur son corps encore engourdi par ce réveil soudain. Son regard fit plusieurs mouvements de la droite vers la gauche pour analyser ces nouveaux lieux qu'elle savait pertinemment différents. Elle n'était pas dans son lit, pas dans son enceinte qu'elle avait mis plusieurs années à bâtir et encore moins sur la terre qu'elle avait défendu. Tous paraissait différent jusqu'à l'air lui même, quelque peu perdue, elle se releva fébrilement. Une ville affrontée sa vue par sa présence écrasant au loin, si la jeune femme voulait en savoir plus, il fallait commencer par arpenter ces lieux. Rester ici avec une multitude d'incompréhension était une perte de temps et d'énergie, cela, l'ainée de la famille Kiryuin l'avait compris avec un étonnant sang froid.

Avant de partir en quête de réponse, elle examina rapidement ce que ce voyage avait eu l'amabilité d'apporter avec elle. Sa fidèle épée était à ses cotés comme son uniforme qui lui justifiait un moyen de défense malgré ce qu'il pouvait arriver. Acceptant l'idée que malgré cette mésaventure incompréhensible elle s'en sortait pas si mal, elle remarque que l'uniforme semblait comme bridé. Peut être était-ce un effet secondaire de sa situation actuelle, expirant alors, elle se dirigeait d'un pas marqué par la détermination vers la ville qu'elle avait vu quelques minutes auparavant. Le village commença alors à s'accentuer démontrant ainsi certain aspects autrefois dissimulés par la distance entre les deux. Une grande porte, signe de l'entrée de la ville trônait en face de la jeune demoiselle qui ne laissait pas écraser par l'inconnu. Un homme qui était posé tranquillement sur sa charrette trainant ce qui s'apparentait à une marchandise la salua d'une étrange façon. Ce langage bien particulier était inconnu dans le savoir de l'étrangère cependant, la signification ne lui échappa pas et elle comprit ainsi qu'il venait de la saluer avec une politesse accentuée.  

Foulant le sol de la ville, elle remarqua bien vite que sa tenue vestimentaire contrastait énormément avec les habitants de ce monde. Ce monde aurait pu être le sien plusieurs centaines d'années auparavant, ainsi, elle paraissait aux yeux de tous plus comme un phénomène de foire qu'autre chose. Bien heureusement pour elle, son fidèle charisme transformait la moquerie naissante en crainte et en admiration. Cet univers bien distinct allait lui donner surement plus de fil à retordre que le sien, c'était toute un mode de vie qu'elle devait apprendre pour se fondre en lui. Malgré tous, la Kiryuin n'était pas du genre à se soumettre à tout autre forme de vie, si ce monde ne lui convenait pas, elle n'avait qu'à le former à l'image de sa précédente vie.

Elle entrait dans ce qui pouvait être appelé une auberge, quelques vieux la dévisagèrent avant de baisser leurs regards comme si la vision même de la jeune femme était trop dure à soutenir pour de si simple d'esprit. La simple présence de Satsuki suffisait à illuminer les lieux de sa splendeur, défiant du regard le tenant de cette auberge du passée elle commença à parler d'un ton pouvant faire naitre la crainte dans n'importe quel cœur humain.

- Donnez moi du thé et une chambre pour cette nuit.

Notre héroïne qui s'improvisait aventurière avait décidé de se relaxer l'espace d'un instant en buvant un thé pour réarranger son esprit. Comme elle ne comptait pas lui adresser la parole de nouveau, elle lui avait aussi indiqué son envie de dormir ici ce soir. Il était fort probable que cela prenne beaucoup plus qu'un jour pour qu'elle puisse retourner dans ce monde, ainsi, dormir à la belle étoile n'étant pas son fort, elle allait se contenter d'une simple chambre pour cette fois. L'homme en question n'osa même pas lui demander un quelconque payement, sa transpiration était un signe évocateur de la pression insupportable qui lui mettait l'ainée. Peinant à lui faire un signe de tête, il n'osait même pas demander à qui il avait à faire malgré la tenue extravagante de son interlocutrice. Il s’exécuta comme jamais auparavant et lui offrit le thé qu'elle désirait sans aucun autre mot. Il était essoufflé comme si il avait couru des kilomètres pour faire ce simple thé.

Son gout était plutôt fade comparé à celui qu'elle avait l'habitude de boire mais, encore une fois, elle allait s'en contenter. Alors qu'elle le buvait avec une certaine volonté de le faire durer, elle organisait tous ce qu'elle avait pu voir et vivre jusqu'alors. Elle ne pouvait pas être la seule dans sa situation c'était une évidence mais, au vue des réactions des habitants, les personnes comme elle ne devait pas encore faire foule. Peut être allait-elle retrouver quelques un de ces compères dans un hasard heureux mais, ce monde pouvait être tout aussi grand que le sien ce qui complexifiait la tache de recherche. Expirant une nouvelle fois, elle mis de coté ses pensées pendant quelques instants car ils obstruaient sa dégustation.

Le liquide chaud se déversait avec volupté dans le gosier délicat de la jeune femme dans un moment de plaisir s'éternisant dans le temps. Le silence ayant comprit la sérénité que cherchait l'épéiste c'était fait omniprésent dans la scène, mutant ainsi les gens assez bavard pour la déranger. L'engrenage reprenait petit à petit son fonctionnement bien qu'une tension écrasante pesait sur les lieux désormais lourd à supporter. Satsuki ne s'en souciait guère, elle était bien trop occupée à se délecter de ce moment de faible plaisir qui lui avait été offert. Si les humains qui gravitaient autour d'elle était incapable de supporter son aura, ce n'était pas son affaire. Elle avait déjà bien assez de problèmes à résoudre pour qu'elle s'occupe ainsi des autres. Levant la tasse apparemment remplit du liquide brulant vers sa bouche ferme, un élément brisant cette scène fit son entré.

Du brutalité assez fracassante, l'homme en question foula le sol de l'auberge sans aucune honte. Des soulagements purent se faire entendre, comme si après de longues minutes d'apnée coincées dans le temps, ils pouvaient enfin reprendre son souffle. Ainsi, l'étrange étincelle qui venait de débarquer anima avec lui les lieux. S'approchant du comptoir comme tous bon client, il englouti sa bière fraichement commandée en un seul coup. La Kiryuin n'avait pas besoin de le regarder pour comprendre que cet homme transpirait un air n'appartenant pas à ce monde. Pourtant, son attitude démontrait qu'il semblait bien être ancré dans cette société nouvelle. Les clients revitalisés par cette présence chaude régulant le froid glacial que jetait la jeune femme se tournait tous vers lui. C'était une option préférable que de regarder l'autre élément effrayant qui se tenait à seulement quelques mètres du premier. Malgré tous, l'air reprit très vite une certaine lourdeur, comme si son statut d'étranger reprenait rapidement le dessus. Il interpella alors sans gène la porteuse de tant de pression :

- Salut ! Commença-t-il innocent, tu … Tu serais pas une éveillée toi aussi ?

Posant sa tasse avec une extrême légèreté, elle comprit rapidement qu'il en savait plus qu'elle. Ainsi, elle prit la peine de laisser planer une forme de réponse en détournant son regard perçant vers lui. Ses yeux s'engouffrèrent dans les siens comme si elle le sondait au plus profond de son être. Il prétendait qu'elle était une sorte d'éveillée, terme dont la signification échappée encore à notre héroïne. Néanmoins, la tournure de sa phrase confirmait ses dires, ils étaient tous les deux dans la même situation. Ainsi, de cette conclusion vint une évidence, l'homme qui venait de l'aborder n'appartenait ni à son ancien monde ni à ce monde actuel. Combien de monde existait-il réellement ? Devant une problématique ne pouvant être résolue pour l'instant, elle fronça les sourcils comme à son habitude et continua la conversation :

- Une éveillée ? Ce sont les gens qui ne font pas partie de ce monde à l'origine ?

Son ton fit frémir de nouveau le barman qui en avait été la victime quelques minutes auparavant. Se levant de sa chaise, elle prit soin de s'approcher de lui accentuant d'avantage l'aura qui émanait d'elle. Ce type était loin d'être aussi manipulable que le reste de la population, elle l'avait rapidement comprit en le sondant, cependant, bien loin l'idée de manipuler, elle voulait en savoir plus. Affichant son impatience et sa soudaine sévérité face à ce monde qu'elle ne connaissait pas, elle continua ces paroles froides :

- Raconte moi tous ce que tu sais.

Avant d'avoir sa réponse, elle foudroya le barman du regard comprenant qu'il devait se mettre à la tache. Aucun mot ne fut échangé et un second thé lui fut donné, cette fois-ci, elle allait s'en servir pour se concentrer et acquérir toutes les notions qu'allait lui transmettre cette homme aussi petites pouvaient elles être. Pour une des rares fois, elle ne cherchait pas à dominer son prochain, sa position était loin d'être haute et elle l'avait comprit. Ainsi, malgré son ton autoritaire, une sorte de demande se cachait derrière lui. Les oreilles étrangères à la discutions étaient brandit vers les deux acteurs de cette étrange pièce. L'ayant remarqué, il ne fallut qu'un simple toussotement de la part de la demoiselle pour arrêter cet espionnage peu discret. Les gens reprirent très vite leurs habitudes pathétiques se sachant pertinemment en faute face aux deux jeunes étrangers.

L'opposant soutenait péniblement le regard effroyable qu'imposait la jeune femme sur son être. Comme une tentative d'échapper au regard courroucé de celle-ci et de se détendre un peu de la pression qui était mise sur ses épaules, il reprit une bière accentuant l'haleine de levure qui se dégageait de sa bouche. Attrapant une cigarette de son pantalon usé par le travail, il l'alluma et donna alors les réponses que Satsuki attendait impatiemment :

- C’est une famille de fermier qui m’a trouvé inconscient à la lisière d’une sombre forêt.

D'un point de vue externe, la situation des deux protagonistes pouvaient paraitre identique mais quelque chose chiffonnait la jeune femme. A la vue de ses vêtements cet homme avait réussi à s'incruster dans ce monde, trop peut être pour la Kiryuin. Ainsi, elle pouvait émettre l'hypothèse que son interlocuteur avait perdu tout souvenir de son ancien monde. C'était la seule solution plausible pour expliquer son adaptation extrême à ce nouvel environnement. Se grattant le menton soigneusement, elle fut plongée dans une profonde réflexion tout en écoutant la suite de son discours :

- Cela va peut-être faire une semaine tout au plus que je suis ici. Fit-il avant de recracher la fumée de sa cigarette. Parmi les trois royaumes qui peuplent ce monde, nous sommes dans celui de Wei. On m’a fait part de beaucoup de rumeur à propos de sa capitale, elle serait complètement corrompue, les habitants de celle-ci vivraient dans la terreur : viol, meurtre, vol, et j’en passe.

Trois royaumes ? Ainsi, ce monde fonctionnait avec une notion de hiérarchie, de plus, de par son expérience du pouvoir, la jeune femme avait comprit que plusieurs royaumes impliquait forcement une guerre. L'avidité d'un dirigeant n'a d'égal que la bassesse de ses ambitions, que ce soit dans le monde du nouveau fermier, dans son monde à elle ou dans celui-ci, cette règle s'appliquait sans faire de différence. Elle arqua un sourcil lorsqu'elle entendit les autres révélations assez infâmes sortant de la bouche du jeune homme. Expirant, elle reposa sa tasse et écouta de nouveau :

- Je suis amnésique. Impossible de me souvenir de quoi que ce soit précédant mon réveil. J’ai trouvé un katana avec une lame brisée en plusieurs morceaux, sur le manche y était inscrit « Goomoonryong ». Je pense que c’est comme ça que je me faisais appelé de là d’où je viens. Mais les gamins du fermier en ont décidé autrement, ils m’ont nommé « Zaiku », car ils avaient l’impression que les cigarettes que je fumais étaient de la paille.

De ces mots durs, son hypothèse s'avérait être bien réelle, le reste la jeune fille n'y prêtait pas attention. La connaissance de sa vie n'avait pas d’intérêt à ses yeux, elle voulait juste en apprendre plus sur le pourquoi du comment et c'était ce qu'elle venait de trouver. L'homme affichant désormais un visage plus grave, s'approcha sans honte vers le visage soucieux de l'ainée pour lui prononcer quelques mots bien à l'abri des oreilles indiscrètes :

- Il y a un truc pas normal qui se trame ici. Les gens nous voient comme les messagers de dieux, on n’est pas tout seul, il y en a pleins d’autres personnes dans notre situations, des tas et des tas d’autres gens. On tombe du ciel, notre énergie, notre essence, notre aura, tout leur semble différent chez nous, on ne fait pas partie du décor. Alors jusqu’à que toute cette histoire prenne enfin un sens, je te conseille de faire profil bas.

Notre héroïne fronça d'avantage ses sourcils marquant ainsi la peinture représentant son visage d'une couleur noir de frustration. Cette histoire était une plaie qui n'avait aucun sens, cependant, elle n'était pas en accord avec ses propos. Prenant une brève inspiration, elle se fichait bien des intrus écoutant la conversation et prononça d'un ton beaucoup plus autoritaire quelques mots à son informateur :

- Cette histoire ne prendra un sens que si on essaye de la résoudre. Faire profil bas n'est pas une bonne solution, je ne compte pas me faire absorber par ce monde. Tu devrais en faire autant si tu ne veux pas perdre définitivement ton identité.

Ses mots étaient aussi tranchant que la lame de son épée. Reprenant justement son épée qu'elle avait pris soin de poser à coté d'elle, elle tourna le dos à l'homme qui l'avait précédemment aidé et pris la décision d'explorer cette ville pendant que le temps lui permettait encore. Malgré ces réponses à ses questions, cela n'avait entrainé qu'encore plus d’interrogation. La Kiryuin était frustrée de ne pas avoir la situation entre ses mains comme elle avait pu l'avoir toute sa vie cependant, son esprit était toujours d'un calme plat. Rien ne pouvait la perturber et c'était son plus grand point fort. Se dirigeant vers la porte de sortie, elle se retourna vers celui qui se nommait Goomoonryong et lança quelques dernières paroles :

- Puisque tu m'as donné ton nom, je vais te donner le mien. Je m’appelle Satsuki Kiryuin, si tu apprends autre chose par la suite, informes en moi.

De ces dires acérés, elle quitta la pièce en quête de nouvelles réponses.